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dessus de la forêt, car le vent s’est levé et souffle de l’ouest par rafales.

Nous avons pris l’avoine coupée pour l’étendre autour de nos pièces. Il fera frais cette nuit et pleuvra peut-être. Le vent, qui secoue les manteaux et les plaque contre les corps, semble agiter les hommes eux-mêmes. La plaine, sans un feu et que menace la gueule de nos canons, n’est bientôt plus que l’ombre ouverte devant nous. Dans un coin, que le champ enfonce au milieu de verdures très denses, on nous a permis de faire du feu. Le grand taillis proche semble un pan de mur noir. Le vent souffle sur le feu, fait vaciller les ombres des hommes à terre, éteint presque toute clarté pour l’aviver ensuite. Je suis extrêmement las. La canonnade engendre un irrésistible besoin de sommeil. J’ai bien un peu faim, mais très peu. Je n’ai pas le courage d’attendre que la viande soit cuite et le café chaud. Je mange ma part de bœuf cru et je vais m’étendre dans la paille d’avoine, à l’abri du vent, derrière mon caisson.


Mercredi 26 août.


On nous réveille à l’aube. Un épais brouillard enveloppe la batterie. Nous sommes couverts de rosée. Nos membres gourds ont des mouvements