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sa gaine. À la porte du presbytère, deux cents hommes au moins se pressent et secouent à bout de bras leurs bidons. Il paraît que le curé donne tout son vin. Des chasseurs, les rênes de leurs chevaux au bras, attendent des ordres. Ils se sont adossés au mur de l’église et ils fument. L’abreuvoir est proche. Je les entends causer :

— Alors, il est mort, Mortier ?

— Oui, il a pris une balle dans le ventre.

— Et qu’est-ce qu’il a dit ?

— Rien. Il a dit : « Y m’ont. » Il s’est couché… Il se tenait le ventre à deux mains… il se tournait d’un côté sur l’autre et il faisait : « Hou, houihou.… Y m’ont. » Son Balthazar le flairait. Il n’avait pas lâché la bride. Il la tenait comme je la tiens là, au bras. Il lui a encore dit : « Mon pauvre cochon !… » Il était tout recroquevillé, il a fait : « Ouf… ouf !… » en soufflant et puis, y s’est détendu tout d’un coup. Et voilà un chasseur de moins !… Je lui ai fermé les yeux, il faisait bien vilain. J’ai cassé une branche et je la lui ai mise sur la tête, comme je voudrais qu’on me fasse à moi… C’est tout de même plus convenable quand on est mort. Après ça je suis revenu en ramenant le Balthazar.

Lorsque nous remontons à la clairière, beaucoup de fantassins déjà sont partis. D’autres mettent sac au dos et rompent les faisceaux. On nous dit qu’il ne va rester ici pour nous soutenir qu’un