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poursuit toujours, en bas, sur la route où passe à présent l’interminable théorie des autobus parisiens. Le ciel est sombre. Les grands nuages qui s’amoncellent derrière nous, vers l’occident, vont raccourcir le jour.

Cheminant au bord du bois pour ne pas révéler sa présence, la batterie vient s’installer à la lisière de la forêt en pente, derrière des bouquets d’arbres qui la dissimulent. On dételle. Les chevaux et les avant-trains sont établis contre les verdures avec lesquelles, de loin, ils semblent faire corps. Nous serons tranquilles ce soir. Mais la journée prochaine s’annonce rude. Il faudra que les deux batteries qui forment à présent le groupe : sept pièces, seules sur ces hauteurs, arrêtent l’ennemi pendant le temps nécessaire à assurer la retraite du corps. Mais nous songeons à peine au lendemain, trop las pour penser et pour prévoir.

Par un sentier à pic, à travers bois, il faut encore mener les chevaux à l’abreuvoir jusqu’au village, au pied des collines. Là, l’unique rue est toujours encombrée de troupes. Par la fenêtre ouverte de la mairie, j’aperçois le général Boëlle. Son visage est grave sans sévérité. Je cherche dans son regard une inquiétude que je ne trouve pas.

Les fantassins ont formé les faisceaux devant les maisons, de chaque côté du chemin. En travers, sur deux faisceaux, un drapeau repose dans