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caler solidement les roues. Les hommes sont las ; on se tait. On n’entend que le bruit fin des gourmettes des chevaux, qui bougent, et le petit bruit de la pluie sur les feuilles.

On avance de quelques centaines de mètres encore. Sur un autre lacet, on s’arrête de nouveau. Une charrette de paysans, où sont assises sur de la literie une femme enceinte et une vieille, cachées sous un grand parapluie, essaie de dépasser la colonne. Mais plusieurs caissons mal calés ont reculé et barrent la route. Une jeune fille conduit l’attelage. Il n’y a pour hisser là-haut la lourde voiture qu’une jument pleine, dans les brancards, et un poulain devant qui tire à tort et à travers. Elles sont courageuses toutes deux, la fille et la bête.

— Allons, hue !

La jument s’arc-boute. En leur aidant, elles atteignent la tête de la colonne. Après, la route est libre. Un instant, la jeune fille fait reposer son attelage et caresse les naseaux de la lourde bête, dont la croupe fume.

On cause :

— Où allez-vous par là ?

— On ne sait pas bien, monsieur. On va toujours passer la Meuse… Nous ne sommes point en avance. Tous ceux qui avaient à partir sont partis ce matin, quand on a entendu le canon. Mais