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Le capitaine Jamain a été atteint au flanc par un éclat d’obus. Nous l’apercevons étendu dans une charrette à foin, parmi les blessés d’infanterie.

La forêt, très dense, très obscure malgré le grand soleil, assourdit le piétinement de l’infanterie en marche, le roulement des voitures.

Des chevaux fourbus ont été abandonnés. Ils sont là, debout, dans les fossés, la tête basse, les yeux demi-clos, vitreux de chassie. Une roue les heurte parfois. Ils ne se rangent même pas. Ils ne se couchent que pour mourir.

Ce n’est pas encore sur ces hauteurs qui, par une série d’éperons, dominent la plaine et la forêt, que le 4e corps va s’établir et attendre l’ennemi. Quelqu’un me dit que l’armée Ruffey se replie tout entière derrière la Meuse. Mais, tandis que la retraite se poursuit par la grande route, notre groupe d’artillerie s’engage sur un chemin, qui conduit d’abord à un village plein de troupes, et ensuite, par d’amples lacets, escalade les côtes boisées.

Nous abordons la montée. Le ciel s’est brusquement chargé de nuages ; il fait lourd. Des gouttes d’eau commencent à tomber. La route, en bas, où le flot des troupes s’écoule sans cesse, semble, entre les peupliers qui la bordent, un canal aux eaux sombres, mais un canal dont on percevrait le courant. La colonne s’arrête. Il faut