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gens que nous ne pouvons défendre contre un ennemi trop supérieur en nombre ?

Longtemps nous attendons à Remoiville. Il faut traverser une rivière et il n’y a qu’un pont. Le passage s’opère en grand ordre. Puis, par une route unique, à travers les campagnes vallonnées où alternent des forêts aux verdures profondes et des prairies fraîches entre les bois, la retraite du 4e corps commence.

Une grande ligne de côtes aux nobles profils bleus borne l’horizon de l’Ouest. C’est là-bas sans doute que l’armée va s’arrêter et se retrancher.

Sur la droite du chemin, se poursuit l’interminable défilé de l’artillerie et des convois ; canons de tous calibres, caissons, fourragères, chariots, voitures régimentaires, voitures du train, ambulances de la division, ambulances du corps, charrettes de paysans pleines de blessés exsangues, coiffés parfois d’un turban de gaze que le sang rougit par places. De front, tenant la gauche, l’infanterie avance en ordre. La route est déjà très défoncée. Devant nous, roule une batterie de 120 court. Un de ses brigadiers porte, pendue à sa selle, la moitié d’un mouton.

La 10e batterie a perdu ses pièces. Quand, vers une heure, l’infanterie céda tout à fait, les canonniers ne purent les retirer. Le feu de l’ennemi avait presque complètement détruit les attelages.