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Le capitaine ne répond pas, et je comprends que, cette fois encore, l’armée française bat en retraite.

Une volée d’obus laboure le champ derrière nous.

Le feu de l’ennemi, trop à gauche et trop long d’abord, se rapproche. Il est à présent réglé en direction. Ma vie dépend d’une seconde de la volonté d’un capitaine prussien et d’une toute petite rectification de pointage.

Et voilà que des sections d’infanterie apparaissent soudain au bord du plateau et se replient en hâte. Une compagnie du 101e vient s’établir dans les tranchées ouvertes derrière nos pièces.

L’air vibre encore ; des obus viennent droit sur nous. La terre jaillit. Un éclat me frôle la tête et sonne sur le blindage du caisson. Un obus est tombé dans la tranchée où sont les fantassins. Une, deux secondes se passent ; on entend une plainte, un cri. Rien. Un homme se lève et s’enfuit, puis un autre, puis la compagnie tout entière. Tête basse, ils fléchissent les genoux. Derrière, un blessé se débarrasse en hâte de son sac et de son fusil et s’éloigne à cloche-pied.

Une estafette apporte un pli au commandant : ordre de se retirer. Le corps d’armée bat en retraite. Nous quittons la position. Au pas, la colonne s’allonge. Ce champ que dorent uniformé-