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On a dans la bouche une saveur fade d’abord, âcre à la longue. C’est la poudre. On ne sait si on la sent ou si on la goûte, et le tir se poursuit, rapide, sans à-coups. Les mouvements des hommes sont coordonnés, précis, brefs. On ne parle pas. Les gestes suffisent pour indiquer la manœuvre. On n’entend que les commandements de hausse du capitaine que répètent les chefs de pièce.

— Deux mille cinq cents !

— Feu !

— Deux mille cinq cent vingt-cinq !

— Feu !

Après le premier coup, la pièce est assise. Le pointeur et le tireur se sont installés sur leurs sièges derrière les boucliers. Au coup de feu, le tube de la pièce recule sur les glissières du frein, puis posément, exactement, vient se remettre en batterie, prêt à tirer encore. Derrière le canon, les douilles noircies, en monceau, fument encore.

— Halte au feu !

Les servants s’étendent dans l’herbe. On roule une cigarette.

Encore un aéro ; le même rapace noir découpé nettement sur le ciel bleu pâle qui peu à peu s’éclaire.

On rage. Quelle sujétion ! il nous survole.

Tout de suite l’artillerie lourde ennemie ouvre