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— qui s’est enflé jusqu’à un tonnerre ininterrompu qui croît, décroît, se répercute en échos, roule, sonne, éclate, sans cesser jamais, — on a peine à distinguer les coups de l’ennemi de ceux de l’artillerie française. On finit pourtant par reconnaître, brève dans l’orage, la voix des 75.

— Garde à vous ! Les pointeurs à moi !

Les hommes courent au capitaine.

— Devant nous, un arbre en pinceau…

— Vu, répondent les pointeurs.

— Point de pointage, cet arbre… Plateau 0… tambour 150…

Chaque pointeur court à sa pièce et la pointe. La culasse pointe en se fermant sur l’obus. Le pointeur lève le bras :

— Prêt !

Le chef de pièce commande :

— Pour le premier coup !…

Les servants se rangent hors des roues de la pièce ; le tireur se penche pour saisir le cordon tire-feu.

— Feu !

Le canon se cabre comme un cheval pris de peur. Les crânes vibrent. On a dans les oreilles un tintamarre de cloches ; on est secoué de la tête aux pieds. Une grande lame de feu a jailli de la gueule de la pièce. Le vent du coup, autour de nous, a soulevé de la poussière. La terre tremble.