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— Quelle heure est-il ?

— Sais pas, répond l’homme de garde qui m’a réveillé.

Là-bas, les villages brûlent toujours. À tâtons, presque silencieusement, on a attelé. Les avant-trains viennent chercher les pièces. Une côte raide… Les pierres roulent. Dans la nuit, les chevaux risquent à chaque pas de s’abattre ; les freins serrent mal ; nous nous accrochons aux voitures, nous laissant traîner, pour soulager l’attelage de derrière sur lequel le caisson dévale.


Au petit jour, un village mort. Près du grand mur de l’église, cinq chasseurs dorment. Ils ont les rênes de leurs chevaux passées au bras et leurs bêtes immobiles dorment près d’eux, debout. Une pâle lumière froide se répand dans les épaisseurs du brouillard qui s’est accumulé au fond de la vallée. Il fait très frais. Nous marchons en silence, au pas. Les servants dorment sur les coffres. Nous allons vers l’ouest. Nous reculons. Pourquoi ? N’étions-nous pas bien là-haut à attendre l’ennemi ? Un soleil d’argent apparaît parmi les brumes, dans un halo.

Après une longue halte, dans un champ de luzerne engraissé avec des vidanges, et dont nous emportons une odeur tenace d’excréments, nous