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ce ciel d’incendie, les croupes de nos chevaux, leurs têtes aux oreilles inquiètes, les lourdes masses des voitures se détachent en ombres noires.

Debout, côte à côte, les bras croisés, Hutin et moi, nous contemplons ce pays en feu.

— Oh ! les sauvages, les sauvages !

— Est-ce que c’est la guerre, ça ?

Et nous nous taisons tous deux, étreints par la même angoisse, crispés par la même rage. Je vois passer dans les yeux sombres de mon ami une lueur fauve, le reflet des brasiers.

— Et n’être pas les plus forts !… Ne pas pouvoir empêcher ça ! Malheur !

— Ça viendra…

— Oui, ça viendra… et ils le paieront !

Nous allons nous jeter sur la paille amoncelée derrière les pièces. Régulièrement, un projecteur de Verdun balaie le pays. La télégraphie optique met dans le ciel des barres lumineuses. Et nous nous endormons, serrés les uns contre les autres, tandis qu’un servant, droit dans sa capote, immobile, veille près du canon.


Lundi 24 août.


Il est encore nuit noire. Une ombre vient secouer mon manteau.

— Alerte !