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plus vite. Et, sans seulement que nous ayons eu le temps de boutonner nos vestes, la première voiture sort du parc.

— Marche, en avant… au trot !

On a dû jeter les sacs d’avoine, encore à moitié pleins, sur les caissons ou sur les affûts des pièces. En courant, il faut les breller pour qu’ils ne tombent pas. Puis, à peine vêtus, on saute comme on peut sur les avant-trains pendant que la batterie roule à grande allure sur la route raboteuse.

Nos regards reviennent sans cesse en arrière, à ces collines qui dominent Torgny, à l’est, et d’où, à chaque moment, nous nous attendons à voir déboucher les têtes de colonnes ennemies. Je guette un crépitement de mitrailleuse ou un sifflement d’obus.

La route au loin, dans la vallée, est noire d’attelages et de caissons lancés au trot, dans d’épaisses nuées de poussière. Des batteries roulent à travers champs. Que signifie cette reculade en hâte ? De la journée on n’a entendu le canon que très loin, vers le nord. On ne l’entend même plus. Alors ? Nous avons été surpris ou nous avons failli l’être ? Mais, est-ce que l’on peut comprendre quelque chose à tout cela !

Vers cette crête, entre la Chiers et l’Othain, où tout le pays, sous le grand soleil, nous avait accueillis à notre arrivée de son déploiement de lignes et de couleurs, nous prenons position. Il me