Page:Lintier - Ma pièce, 1917.djvu/116

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Bâton, conducteur de milieu du canon, blessé à la tête, est resté à l’ambulance de Torgny ; Hubert, chef de pièce, disparu ; Homo, conducteur de canon, disparu. Lorsque j’ai aperçu Homo pour la dernière fois, il errait, hagard, à travers le champ battu par l’artillerie ennemie.

Disparu aussi Lucas, le cycliste du capitaine, et celui-là surtout m’inquiète. C’est un garçon gai, franc, spirituel, que j’aime.

De notre échelon de combat tout entier, conduit par le lieutenant Couturier, on n’a point de nouvelles.

En cercle, autour du capitaine, on réorganise les pelotons de pièces. La batterie n’a plus que trois canons ; il faut envoyer vers l’arrière celui dont un obus a ouvert le frein.

Que je suis las ! Dès que je demeure immobile, je m’endors.

Hutin ouvre une boîte de singe pour nous deux.

— As-tu faim, Lintier ?

— Guère… Pourtant, je n’ai pas mangé depuis avant-hier.

— Comme moi. Crois-tu qu’on va y retourner aujourd’hui ?

— Sans doute…

Hutin rêvasse :

— Il n’y a qu’une chose qui m’épate, me dit-il, c’est d’être là.