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Des balles sifflent. On nous mitraille du haut des positions que nous venons d’abandonner. Un cheval blessé tombe sur les genoux ; on le dételle. Un homme, dont la cuisse est traversée, continue à marcher.

Dans un vallon, à l’abri des balles, une prairie enfonce dans la forêt un coin d’herbe claire. C’est là que nos trois batteries se rangent en parc, en attendant des ordres. Je vois tout de suite combien notre position est critique. À travers bois, aucun chemin ne conduit au plateau. Plusieurs voitures de la 10e batterie se sont engagées dans un sentier forestier. Elles ne peuvent ni avancer ni reculer. Un canon est embourbé jusqu’aux essieux. Pour sortir d’ici, il nous faudra donc traverser ces champs ras, à droite ou à gauche, affronter encore le feu des mitrailleuses et, peut-être, maintenant, de l’artillerie ennemie qui a pu se rapprocher. Plus nous attendrons, moins nous aurons de chances de passer indemnes.

Et puis, combien de temps les voies de retraite sur le plateau seront-elles libres ? Nous sommes tournés, et devant nous l’ennemi avance, dévale des collines en fer à cheval. Il doit tenir maintenant le village de Latour.

Le commandant attend des ordres. Sa parole est brève, ses gestes saccadés. Ses mâchoires ont des contractions régulières. C’est un signe de ner-