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voitures, courent, éparpillés, aux flancs de la colonne. L’étroit chemin que nous suivons est défoncé, pavé de pierres roulantes. Sur la pente rude, une voiture d’infanterie, en panne, barre la route. Un mauvais cheval blanc s’arc-boute, le conducteur crie, pousse aux roues : l’attelage ne démarre pas.

Un brigadier interpelle le fantassin :

— Mais avancez donc, n… de D… !

Avancer, avancer. Comme s’il le pouvait ! Le conducteur, sans lâcher la roue, qu’il empêche de dévaler, tourne vers nous un visage pitoyable, et je vois qu’il pleure.

— Avancer ! Mais comment voulez-vous !

Nous l’aidons. Sa voiture se range dans le champ pour nous laisser passer.

Il est à peu près deux heures de l’après-midi. Il fait une chaleur pesante. La bataille semble terminée. On n’entend plus le canon que loin sur la gauche, du côté de Virton et de Saint-Mard.


Notre colonne s’allonge en ligne noire, à flanc de coteau. À travers les bois qui couronnent les hauteurs, nous allons sans doute chercher une route pour gagner le plateau. L’horizon s’élargit. Soudain, vers Latour, une mitrailleuse crépite. Je fais le geste de chasser une guêpe qui me bourdonne à l’oreille.

— On tire sur nous, me crie Hutin.