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être d’atteindre son infanterie qui avance, s’est tue. D’un instant à l’autre, l’ennemi peut prendre pied sur la crête.

— Amenez les avant-trains !

La manœuvre est vite faite.

Il faut emporter Thierry, dont le genou est ouvert. Il souffre ; il ne veut pas qu’on le touche. Malgré lui, trois hommes l’installent sur l’échelle-observatoire. Il est très pâle. Est-ce qu’il ne va pas défaillir ? Il murmure :

— Oh ! vous me faites mal. Achevez-moi donc !

Les autres blessés, cinq ou six, se hissent sans aide sur les coffres, et, au grand trot, la batterie dévale sur la route de Latour.

La bataille est perdue. Je ne sais ni pourquoi, ni comment. Je n’ai rien vu. La droite française a dû reculer beaucoup, car j’aperçois, très avant vers le sud-est, des éclatements d’obus sur de grands bois qui ce matin étaient loin de nos lignes. Nous nous trouvons complètement tournés. Une angoisse me vient. Nos voies de retraite sont-elles libres ? Nous franchissons la ligne du chemin de fer, des prairies, un ruisseau. Nous abordons la série des collines, couvertes de bois jusqu’à mi-côte, qui s’étendent parallèlement à celles qu’occupait ce matin l’armée. Ce sont, sans doute, nos positions de repli. Les conducteurs activent les chevaux. Les servants, pied à terre pour alléger les