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ces bruits, les mêle en une seule voix, semblable à celle de l’Océan en tempête avec les heurts de ses flots, ses déferlements, ses coups sourds, confondus par les vibrations stridentes du vent sur les lames.

La bataille semble orientée d’est à l’ouest. Les Allemands tiennent le nord, les Français le midi.

— En avant !

Dans la prairie, qu’il faut traverser d’abord, un ruisseau se perd parmi les herbes hautes. Les servants prennent les sous-verge à la bride et les activent. Les conducteurs mettent les attelages au trot. Sous les roues du caisson, le sol fléchit. Rompant l’effort des chevaux, la lourde voiture s’enfonce d’un coup jusqu’aux essieux dans le bourbier. Un grand coup de collier la sort de là.

Où allons-nous, bon Dieu ! Où allons-nous ?… Vers l’arbre en boule, vers cette cime dont la mitraille allemande, depuis deux heures déjà, n’a pas épargné un arpent. Pourquoi nous mène-t-on là ? N’y a-t-il pas sur ces collines bien d’autres positions excellentes ? Nous allons être massacrés !… Et la colonne avance au pas vers le champ en pente qu’à chaque minute foudroient les obus.

Pourquoi ? Pourquoi ? La mort n’a cessé de tomber là-bas depuis que le brouillard s’est levé. Et nous allons à elle.

L’angoisse m’étrangle. Je raisonne pourtant. Je