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Les Betes Fauves. Ours.

Il habite les contrées les plus ſeptentrionales de l’Amérique, de l’Aſie & de l’Europe, rarement en Pologne & en Courlande, très rarement en Allemagne ; il ſe tient particuliérement dans les lieux montueux & les grandes forêts. Il s’accouple en Janvier ; la femelle met bas ordinairement au mois de Mai, un à trois petits dans le plus épais des bois ; il eſt ruſé & très-vorace, ſe nourrit de lievres, de rats, de rennes, d’oiſeaux, d’animaux morts, auſſi de poiſſon, de fromage & d’autres mangeailles. Il grimpe avec facilité, n’attaque jamais ſpontanément l’homme ; il ſe défend contre les chiens par ſon horrible puanteur[1] ; elle s’affoiblit de beaucoup après ſa mort. On peut l’apprivoiſer dans ſa jeuneſſe. Sa peau fait une très-bonne & très-magnifique fourrure.

Il eſt plus grand que le blaireau, (ſa longueur eſt de deux pieds deux pouces depuis le bout du nez juſqu’à l’origine de la queue.) Mais il eſt plus mince ; jambes très groſſes & très robuſtes, vêtues de longs poils ; pieds, à cinq doigts. Queue plus courte que les cuiſſes, auſſi très-velue. Six mamelles. Dents inciſives ſupérieures intermédiaires, égales, comme lobées de deux côtés, les extérieures plus longues, coniques, fortes, lobées d’un ſeul côté ; dents inciſives inférieures au nombre de ſix, mouſſes-tronquées, dont deux alternativement plus internes, celles du milieu plus petites, les extérieures plus groſſes. Dents canines rondes, coniques, très fortes, un peu obtuſes, les ſupérieures un peu plus grandes, éloignées des inciſives, ridées à l’extérieur, celles d’en bas rapprochées des autres dents. Dents molaires ſupérieures de chaque côté au nombre de cinq, les inférieures au nombre de ſix, toutes lobées, la premiere & la dernière menue.

Deſcr. anat. Barth. cent. 4. obs. 30.

Les quadrupèdes de ce genre ont cinq doigts aux pieds ;

  1. Le Comte de Buffon ne rapporte point ce fait, au contraire il dit d’après Olaüs magnus : « les Chiens, même les plus courageux craignent d’approcher & de combattre le glouton, il ſe défend des pieds & des dents, & leur fait des bleſſures mortelles, mais comme il ne peut échapper par la fuite, les hommes en viennent aiſément à bout. » Il paroît qu’il y a erreur dans le texte ; je ne trouve ailleurs aucune mention de la puanteur de cet animal.