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88 LE VAISSEAU-FANTOME

fère souffrir éternellement plutôt que de causer le malheur de Senta. Ce n'est d'ailleurs pas seulement comme drame psychologique que le Vaisseau-fantôme nous paraît inférieur aux œuvres suivantes de Wagner, mais aussi comme drame symbolique. L'idée maîtresse de la pièce, bien plus origi- nale et bien mieux marquée que dans Rienzi, il faut le reconnaître, n'est peut être pas encore développée avec autant d'ampleur, de clarté, de force pathétique, qu'on pourrait le souhaiter. Dans sa Communication à mes amis, Wagner formule d'une manière ingénieuse et séduisante cette idée directrice qui l'avait inspiré lors de l'élaboration de son œuvre : « La figure du Hollandais volant, dit-il, est une création de la poésie populaire ; un trait primordial de la nature humaine s'y manifeste sous une forme saisissante. Ce trait, dans sa signification la plus générale, c'est le désir du repos qui saisit l'âme au milieu des orages de la vie. «Wagner trouve cette aspiration vers la paix exprimée dans la légende d'Odysseus qui erre sur les mers pendant de longues années, soupirant après sa patrie, son foyer et son épouse, après cette Pénélope qui l'attend fidèlement dans son palais d'Ithaque et avec laquelle il sera réuni au dé- nouement. Plus tard, le christianisme, qui ne connaît pas de patrie terrestre et n'attend le repos et le bonheur que dans l'au delà, exprime ce même sentiment par un symbole nouveau : la légende du Juif-Errant. L'éternel vagabond, condamné à vivre indéfiniment sans but et sans joie, n'a d'autre espoir que celui de voir finir avec sa vie son martyre terrestre : il aspire à la mort libéra- trice, à la bonne mort où il trouvera enfin la paix qui lui était refusée sur terre. A la fin du moyen âge, cependant, les peuples se reprennent à aimer la vie et l'action :