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84 LE VAISSEAU-FANTÔME

de Daland est mieux venue, mais il ne paraît guère qu'au, premier acte ; dans le drame proprement dit, son rôle est à peu près nul. Et si, enfin, nous examinons les deux caractères principaux, celui de Senta et celui du Hollandais, nous constatons que, pour simples qu'ils soient en apparence, ils cessent d'être parfaitement clairs dès qu'on essaye de se représenter d'une manière un peu précise les mobiles qui les font agir. Et d'abord Senta a-t-elle jamais aimé Erik ? Il semble bien que oui, car elle passe pour sa fiancée, et, lorsque Erik se voit sur le point de la perdre, il l'accuse nettement de manquer à la foi jurée : « Senta, ô Senta, s'écrie-t-il, peux-tu le nier ? Ne te souvient-il plus de ce jour où des hauteurs tu m'appelas dans la vallée ? où afin de cueillir pour toi la fleur des montagnes, j'endurai vaillamment des maux sans nombre ! Te souvient il comme, sur le récif escarpé, nous vîmes ton père s'éloigner du rivage ; il s'envolait sur son navire aux blanches ailes, et c'est à ma protection qu'il te confia. Et quand ton bras s'enlaça autour de mon cou, n'était-ce pas un nouvel aveu d'amour ? Et ce frisson quand ta main serrait la mienne, dis, n'était-ce pas le serment de ta fidélité ? » (i) Mais, si Senta a vraiment aimé Erik, comment s'abandonne-t-elle sans lutte à un nouvel amour? Wagner explique et prépare cet abandon soudain par un trait fort heureux. Senta a de tout temps aimé le Hollandais volant, même quand elle ne le connaissait encore que par le vieux portrait noirci suspendu dans sa maison ; et comme Erik lui reproche de s'absorber comme elle le fait dans la contemplation de cette image et lui dépeint sa douleur de se sentir moins aimé que le mystérieux inconnu, elle lui répond : « Oh ! ne te vante

(1) Ges. Schr., I, 288 s.