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80 LE VAISSEAU-FANTÔME

de la volupté mauvaise et l'amour d'Elisabeth, la faute de Max a, chez Weber, un caractère tout extérieur. La passion qui remplit son âme, son amour pour la douce Agathe n'a rien de coupable : Max n'est pas, comme Tannhàu- ser, travaillé par d'impurs désirs ; son crime c'est uniquement d'avoir appelé l'enfer — l'enfer qu'il redoute et qu'il hait de toute son Ame — au secours de son amour ; et pour cette raison aussi, son caractère, au point de vue psychologique, est beaucoup moins intéressant que celui de Tannhäuser, car nous éprouvons une certaine peine à prendre tout à fait au sérieux une faute de nature aussi purement formelle que la sienne. On arrive à une conclusion analogue si l'on compare Elisabeth et Agathe. Elisabeth se dévoue pour le salut de Tannhäuser ; elle offre sa vie en expiation du crime de celui qu'elle aime toujours malgré sa chute. Agathe n'est qu'une enfant de la forêt, naïve et grave, mais purement passive ; c'est à peine si elle intervient dans le drame par un avertissement donné à Max au moment où il va se rendre à la Gorge-aux-loups. Elle pressent seulement, à l'ombre des grands bois, des puissances vaguement mystérieuses et redoutables, et elle prie pour que celui qu'elle aime échappe à leurs embûches. Sans agir, sans vouloir, par la vertu secrète de son amour et de sa pureté, elle influe sur le dénouement. C'est une âme tout élémentaire, comme végétative, à peine plus consciente que cette âme des choses dont les romantiques aiment à nous dire les secrets. Tout autres sont les personnages de Wagner. Ce ne sont pas des types conventionnels, des mannequins revêtus d'un costume moyen âge, ni des êtres à peine conscients agissant plutôt par un instinct obscur que par une volonté qui sait où elle tend. Le drame wagnérien, tel que nous l'avons défini dans notre introduction, est essentiellement psychologique