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72 LE VAISSEAU-FANTÔME

se tordait les mains en désespérée, pendant qu'on voyait sur la mer son malheureux époux sur le pont de son mystérieux vaisseau. Il l'aime et veut la quitter pour ne pas l'entraîner à sa perte ; et il lui avoue son horrible sort et l'effrayante malédiction qui pèse sur lui. Mais elle s'écrie à haute voix : « Je t'ai été fidèle jusqu'à présent et sais un moyen sûr de te garder fidélité jusqu'à la mort ». A ces mots la femme fidèle se jette dans la mer : l'enchantement du Hollandais volant est détruit ; il est délivré, et nous voyons le navire-fantôme se perdre dans l'abîme des flots. — La morale de l'ouvrage, conclut ironiquement Heine, c'est, pour les femmes, qu'elles doivent bien prendre garde de ne pas épouser de Hollandais volant; et nous autres hommes nous apprenons par là, comment, en mettant les choses au mieux, les femmes nous font couler par le fond I » Ce récit d'une poésie étrange et déconcertante avait, dès l'abord, vivement frappé l'esprit de Wagner sans toutefois stimuler pour le moment sa verve poétique, car il était alors occupé à la composition de Rienzi. Un peu plus tard, pendant son aventureux voyage de Riga à Londres, la tempête l'avait jeté sur les côtes de Norvège, vers cette baie de Sandwike où il fera plus tard aborder son Hollandais ; là dans le fracas de l'ouragan il avait entendu les récits des marins sur le vaisseau maudit et son mystérieux capitaine. Cette fois le vieux mythe populaire avait pris vie et couleur dans son imagination. Aussi, lorsque Pillet lui proposa d'écrire un drame lyrique pour l'Opéra, le sujet du Vaisseau-fantôme lui vint-il tout naturellement à l'esprit. Il s'entendit avec Heine qui l'autorisa à s'inspirer de sa nouvelle pour le drame qu'il projetait. Peu de temps après, l'esquisse du Vaisseau-fantôme était rédigée et remise à Pillet.