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70 LE VAISSEAU-FANTOME

C'est la version de Heine que le hasard avait mis sous les yeux de Wagner, un jour qu'à Riga il feuilletait le premier volume du Salon paru en 1834. Dans une sorte de nouvelle humoristique qu'il intitule Mémoires de M. de Schnabelewopsky, Heine avait eu la fantaisie d'intercaler un récit moitié ironique moitié touchant de la légende du Hollandais volant et de son vaisseau maudit qui erre sur les flots depuis un temps immémorial. Son capitaine, un hardi navigateur hollandais, avait juré par le diable qu'il doublerait un certain cap en dépit de la tempête qui faisait rage, dût-il courir des bordées jusqu'au jour du jugement dernier. Le diable le prend au mot. Depuis ce temps l'infortuné doit parcourir les mers sans trêve ni repos. Une seule chance de salut lui reste : il peut être délivré par la fidélité d'une femme. « Le diable, sot qu'il est, dit Heine, ne croit pas à la fidélité féminine, et il a permis en conséquence au capitaine maudit de descendre à terre tous les sept ans, de s'y marier, et de tenter ainsi sa délivrance. Pauvre Hollandais, il est souvent trop heureux d'être délivré de sa chère épouse, et de retourner à son bord pour se remettre de la fidélité féminine. C'est sur cette fable, continue le narrateur, que se fondait la pièce que je vis au théâtre d'Amsterdam (i). Sept ans se sont écoulés ; le pauvre Hollandais, plus las que jamais de lou- voyer sans fin, descend à terre, se prend d'amitié avec un marchand écossais qu'il rencontre, lui vend des diamants à un prix dérisoire, et quand il apprend que sa pratique a

(l) cette pièce semble n'avoir jamais existé ailleurs que dans l'imagination de Heine. Toutefois en 1827, on jouait à l'Adelphitheater de Londres un mélodrame de Fitzhalt : The flying Dutchmann or the phantom ship, et il n'est pas impossihle que Heine ait vu cette pièce à Londres le 7 avril 1827; elle est si dénuée d'intérêt, toutefois, qu'elle ne paraît pas avoir été la source où il apuisé. ll aura sans doute connu la légende à laquelle il aura ajouté un dénouement libérateur, comme Marryat, de son coté, a aussi inventé une délivrance du Hollandais volant.