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SON OPINION SUR LÉS THEATRES PARISIENS 59

était la première scène lyrique de l'Europe et qu'un succès parisien classait définitivement un auteur ; sans doute il n'admirait pas sans réserve toute la musique qui se jouait à l'Opéra : mais il estimait du moins que ce théâtre offrait au compositeur pour réaliser ses conceptions un ensemble de ressources unique au monde, et qu'un musicien ne devait rien tant souhaiter que de pouvoir user de toutes ces res sources pour mettre en valeur une œuvre d'un caractère élevé et d'inspiration sincère. Il ne tarda pas à changer d'avis. Il lui apparut bien vite que les compositeurs français les plus en vue, comme Auber ou Halévy avaient plus de savoir-faire que de génie et qu'au lieu de poursuivre un idéal artistique, ils se préoccupaient surtout d'exploiter fructueusement leur talent en flattant adroitement le goût du public. Il trouva qu'au grand Opéra l'interprétation ne laissait pas moins à désirer que les oeuvres représentées qu'on n'y sentait jamais rien de supérieur, de vraiment artistique dans l'exécution ; que les chœurs y étaient moins bons qu'au théâtre de Dresde • bref, il n'admirait sans réserves que la mise en scène, dont la splendeur matérielle et le luxe raffiné procuraient à ses sens une voluptueuse jouissance. Au grand Opéra, il préférait l'Opéra comique, dont les représentations lui paraissaient offrir « quelque chose de complet et d'original que l'on cherche- rait vainement en Allemagne » ; par contre, la musique nouvelle qu'on y jouait, « avec ses ignobles rythmes de quadrille », se classait, selon lui, « parmi les plus détestables productions qui eussent jamais paru aux époques de dé- cadence artistique » (1). Quant à l'Opéra italien, il lui inspira une véritable horreur ; la musique italienne, dont la beauté sensuelle l'avait charmé un instant en Alle-

(1) Ge.i. Schr. I, 16.