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58 WAGNER A PARIS

dès l'hiver de 1889 à 1840, il connut la gêne. Ensuite ce fut la misère noire. S'il ne tomba pas au dernier degré du dénuement, ce fut grâce à Schlesinger auquel Meyerbeer l'avait recommandé, et qui lui donna un travail qui lui permit de gagner son pain. Wagner dut réduire des opéras comme la Favorite de Donizetti pour piano et chant, il dut écrire des arrangements pour tous les instruments possibles, jusques et y compris le cornet à piston, sur quantité d'opéras à la mode comme la Favorite, le Guitarrero, Robert leDiable, les Huguenots, la Beine de Chypre, Zanetta, etc. De plus, il s'improvisa écrivain et critique, d'art. Il composa pour la Gazette musicale de Schlesinger deux nouvelles qui plurent non seulement au public mais à des connaisseurs comme Berlioz et Heine : Une visite à Beethoven (1840) et la Fin d'un musicien étranger à Paris (18/41). Pour la gazette, il écrivit une série décomptes- rendus, de fantaisies, de caprices esthétiques ; en même temps il rédigeait des correspondances parisiennes pour des revues allemandes, la Neue Zeitschrift fur Musik de Schumann, l'Europe de 'légale, l'Abendzeitung de Dresde. Comme journaliste, il avait au moins la satisfaction de pouvoir se venger par de cinglantes ironies et d'amers sarcasmes des humiliations qu'il lui fallait subir dans son orgueil d'artiste. « J'entrai, dit-il, dans une voie nouvelle : celle de la révolte contre ce monde artistique contemporain, avec lequel j'avais voulu pactiser jusqu'alors, en venant chercher fortune dans sa brillante capitale, Paris» (1). Quelques mois, en effet, avaient suffi pour modifier radicalement les idées de Wagner sur la valeur artistique du monde musical français. Il était arrivé à Paris avec la conviction que notre fameuse Académie royale de musique

(1) Ges. Schr. IV, 262.