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CRITIQUE DE L'OPÉRA HISTORIQUE 53

selon les époques et selon la mode peut être exposé par la parole et compris par la raison; il est impossible par contre de le rendre immédiatement sensible au cœur par la musique. L'auteur d'un opéra historique se trouve donc pris entre deux nécessités également fâcheuses : d'une part, il lui faut éliminer le plus possible tout l'élément contingent, mais alors l'intérêt historique risque de s'évaporer ; d'autre part, s'il veut conserver à son œuvre un cachet historique, il est obligé d'y introduire de longs passages où les paroles seules importent et ne demandent pour être pleinement comprises aucun accompagnement musical ; mais alors si le compositeur s'obstine malgré tout à les mettre en musique, cette musique n'a plus avec l'action et les paroles aucun lien nécessaire ; elle n'est qu'un ornement postiche, surajouté au texte qui pouvait parfaitement se suffire à lui-même. Toutes ces objections au genre même de l'opéra historique, que Wagner formulait en 185o dans ses écrits théoriques, il va sans dire qu'il ne les concevait pas encore en 1838, au moment où il écrivait Rienzi. A cette date, il était heureux d'avoir mis sur pied un « grand opéra » qu'il estimait être pour le moins aussi beau que ceux qui avaient été applaudis à Paris les années précédentes. Et lorsqu'en 1839 if fut chassé de son poste de chef d'orchestre, par suite des intrigues d'un ami peu scrupuleux qui aspirait à sa succession, il quitta Riga sans le moindre regret, pauvre d'argent, mais le cœur gonflé d'espoir, et s'embarqua pour Paris, où, grâce à son Rienzi, il espérait trouver gloire et richesse.