Page:Lichtenberger - Richard Wagner, poète et penseur, 1907.djvu/60

Cette page n’a pas encore été corrigée

RIENZI

tance à la partie musicale de sa tâche qu'à la partie poé- tique : il ne s'est servi de la parole que pour indiquer d'une manière sommaire les contours extérieurs de son œuvre, pour poser les personnages et définir les situa- tions, sans trop s'inquiéter de la valeur spécifiquement poétique que pouvait avoir cette esquisse en elle-même ; il a, au contraire, accordé tous ses soins à l'expression musicale de sa pensée dramatique, estimant que la musi- que lui suffisait pour initier les spectateurs aux passions des personnages qu'il portait sur la scène, et leur communi- quer quelque chose de cet enthousiasme qu'il ressentait lui-même pour la grande figure de Rienzi et pour les idées qu'il représentait. On ne saurait donc sans injustice mé- connaître dans l'opéra de Wagner, et cela en dépit de sa valeur littéraire médiocre, une réelle beauté dramatique, ni le confondre avec ces libretti tant critiqués par Wagner, où l'intérêt dramatique fait défaut aussi bien que le mérite poétique. Faut-il maintenant aller plus loin et admirer en Rienzi, comme le fait un des critiques wagnériens les plus juste- ment estimés, un drame de grand style, plus beau et plus « vrai » que le roman de Bulwer dont il est tiré ? Peut-être y a-t-il bien un peu d'exagération à tant louer une œuvre dont l'auteur ne se dissimulait pas les imperfections. Si l'on compare le roman de Bulwer et le drame de Wagner, on voit du premier coup d'œil que Wagner a fortement condensé l'action historique qui se déroule dans le récit un peu touffu de Bulwer, et qu'il a, de même, beaucoup simplifié et généralisé les caractères parfois très com- plexes des personnages du roman. Bulwer nous montre, par exemple, en Rienzi, non seulement le patriote épris de liberté, mais encore le politicien adroit, le pro- tecteur de l'industrie, le catholique superstitieux, l'amant