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COMPOSITION DE RIENZI 45

être joué, tout comme vingt ans plus tard il devait entreprendre sa grande tragédie sur la légende des Nibelungen, bien qu'il fût convaincu d'avance qu'aucune des scènes lyriques de l'Europe n'était en état de représenter l'œuvre gigantesque qu'il concevait. Au printemps de 1838, il s'était établi dans une petite maison modeste et tranquille, située dans un faubourg de Riga, presque à la campagne ; c'est là qu'il écrivit le scénario détaillé de son drame et qu'il composa tout le premier acte et la plus grande partie du second. On raconte qu'il réunissait parfois ses amis pour leur faire connaître les scènes qu'il venait d'écrire : c'étaient alors des soirées enthousiastes et bruyantes, où les invités déchiffraient comme ils pouvaient les parties vocales ; Wagner martelait au piano les parties d'orchestre, faisant sauter dans le feu de l'exécution toutes les cordes du malheureux instrument, tandis que sa femme lui essuyait la sueur qui ruisselait sur son front et que les passants attardés dans le paisible faubourg s'arrêtaient, stupéfaits, pour écouter le sabbat infernal qui se déchaînait dans la petite maison solitaire. Au début de la carrière artistique de Wagner, tandis qu'il élaborait dans sa solitude de Riga sa première grande composition, le Grand-Opéra de Paris entrait dans une de ses phases les plus brillantes et devait nécessairement exercer un invincible attrait sur un jeune musicien ambiitieux et conscient de sa valeur. Les premiers compositeurs de l'Europe, français, italiens ou allemands, y apportaient leurs œuvres les plus achevées et venaient y chercher la consécration défniitive de leur talent. C'était l'époque où Rossini donnait coup sur coup Moïse, le comte Ory et son chef-d'œuvre classique, Guillaume Tell (1829) ; où Auber apportait en 1828, la Muette de Portici, puis le Dieu et la Bayadère et le Philtre ; où Meyerbeer remportait