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40 PREMIÈRES EXPÉRIENCES

diatribes virulentes sur l'esprit pusillanime et servile du peuple allemand ; où Gutzkow dans son roman de Wally, Laube dans son roman la Jeune Europe, prêchent la doctrine de « l'émancipation de la femme » et de la « réha- bilitation de la chair ». Wagner, comme un très grand nombre de ses contemporains, subit la contagion de ces idées révolutionnaires, vers lesquelles le portait d'ailleurs un instinct profond. L'un des traits les plus caractéris- tiques de sa nature, à toutes les époques de son existence, c'est en effet sa prodigieuse vitalité, ce besoin intense qu'il éprouvait de vivre dans le présent, d'agir sans cesse sur ses contemporains, de se communiquer à eux le plus directement possible, non pas par le livre imprimé ou par la partition gravée, mais par le concert ou surtout par la représentation théâtrale. Une nature aussi puissante, aussi pleine de sève que la sienne devait nécessairement sympa- thiser avec les tendances de la « Jeune Allemagne » de 1830 et défendre avec elle les droits de la jeunesse et du présent contre les puissances réactionnaires de la tradition et du passé. Nous le voyons, en effet, à partir de 1833, entrer en relations suivies avec l'un des coryphées de la Jeune Allemagne, Laube, le directeur du Monde élégant, l'une des plus importantes revues littéraires de Leipzig ; il avait célébré dans un article enthousiaste la symphonie de Wagner jouée au concert du Gewandhaus, et Wagner, très reconnaissant de cette marque de sympathie, n'avait pas tardé à se lier d'amitié avec lui. Peu de temps après, il publiait dans le Monde élégant le 10 juin 1834, un grand article (1) où il analysait avec la plus entière franchise l'évolution qui s'était produite dans ses opinions et proclamait avec beaucoup de force les

fl) Cet article a été réimprimé daus Kiirschner, R. Wagner-Jahrbuch'. Stuttgart, 1886, p. 376-379.