Page:Lichtenberger - Richard Wagner, poète et penseur, 1907.djvu/42

Cette page n’a pas encore été corrigée

3fe ÉDUCATION DE WAGNER

lique de l'homme qui, le premier, lui avait révélé le monde de la musique. Après Weber, ce fut Beethoven qui décida de la voca- tion de Wagner. Lorsque la famille Wagner revint se fixer à Leipzig, en 1827, le jeune Richard, âgé alors de 14 ans, put entendre aux concerts du Gewandhaus les symphonies du grand maître qui venait, au printemps de cette même année, de terminer à Vienne sa douloureuse existence. L'impression fut écrasante. Dans une nouvelle, composée plus tard à Paris, où Wagner met en scène un jeune musi- cien allemand qui accomplit pieusement le pèlerinage de Vienne pour y voir Beethoven, il fait dire au héros de son histoire : « Je ne puis me rappeler ce qu'on voulait faire de moi, je sais seulement qu'un soir j'entendis jouer une symphonie de Beethoven ; que dans la nuit j'eus un accès de fièvre ; que je tombai malade, et qu'après mon rétablisse- ment j'étais musicien » (1). On peut supposer que dans ce récit pittoresque, Wagner ne fait qu'exprimer, avec l'exa- gération permise aux poètes, l'émotion que lui causa la révé- lation subite des symphonies de Beethoven. Non moins forte fut l'impression qu'il ressentit en entendant, au Gewand- haus aussi, la musique d'Egmont. Ce jour-là, pour la pre- mière fois, il prit conscience de sa mission d'artiste : il résolut de ne lancer dans le monde sa fameuse tragédie shakespearienne qu'accompagnée d'une musique semblable à celle qu'il venait d'entendre. Malgré son ignorance com- plète de l'harmonie, il lui sembla, dans le premier feu de son enthousiasme, qu'il lui suffirait de huit jours de travail pour composer cette musique qu'il jugeait indispensable à l'intelligence de son œuvre. Après s'être jeté à corps perdu dans le traité d'harmonie de Logier, il ne tarda pas