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époque, il s'éprenait de Shakespeare et apprenait l'anglais tout exprès pour pouvoir lire son auteur favori dans le texte. Le fruit de cette étude fut un drame très grandiose et très noir, qui l'occupa pendant deux ans, une sorte de composé d'Hamlet et du roi Lear : quarante-deux personnes mouraient au cours de la pièce et, comme le raconte Wagner dans son autobiographie, leur destin s'accomplissait si vite qu'il avait fallu faire reparaître la plupart d'entre eux sous forme de fantômes, pour que la scène ne se trouvât pas vide pendant les derniers actes. Le départ de la famille Wagner, qui quitta Dresde en 1827 pour aller se fixer à Leipzig, fut, il est vrai, fatal aux études classiques si brillamment commencées du jeune Richard. A Leipzig il fut mis au collège Nicolaï où on le fit redescendre d'une classe ; cette humiliation, dont il ressentit la plus vive indignation, lui enleva du coup toute ardeur pour l'étude : il devint négligent, paresseux, et mit délibérément de côté tout travail philologique pour ne plus s'occuper que de son grand drame shakespearien auquel il consacra tout son temps et tous ses efforts. Tant bien que mal il acheva ses classes, d'abord au collège Nicolaï, enfin à la Thomas- schule ; après quoi, il se fit immatriculer à l'Université, non pour se préparer à une carrière déterminée — il était déjà décidé à devenir compositeur — mais simplement pour suivre quelques cours de philosophie ou d'esthétique qu'il jugeait profitables aussi pour un futur artiste. Le goût des études proprement dites était d'ailleurs mort en lui ; au lieu de suivre les cours, il ne fît guère que se livrer aux écarts de la vie d'étudiant avec cette fougue qu'il mettait en toute chose. Mais s'il avait décidément fait mentir les prédictions de ses anciens maîtres de la Kreuzschule qui voyaient en lui un futur philologue, du moins il conserva, de ses études classiques, une admiration