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valions, les tristesses de l'exil, ramertume de défaites re- tentissantes, la crainte rongeante de succomber sans avoir pu donner sa mesure. Et peut-être aussi doit-il à ces an- cêtres plébéiens un autre trait particulier de son génie : l'amour instinctif du peuple, de la foule des âmes simples et naïves avec lesquelles il s'est toujours senti bien mieux en communion qu'avec le « bourgeois » blasé et corrompu par une demi-culture ; la divination sûre des aspirations et des goûts de la nation, de ses convictions intimes, de ses besoins religieux et moraux ; enfin l'intelligence pro- fonde de ses mythes et de ses vieilles légendes qu'il a res- suscites avec un incomparable éclat. Vers la fin du XVIII° siècle, la condition de la famille de Wagner, sans jamais devenir bien brillante, s'améliore toutefois notablement. Son grand-père, Gottlob Wagner, était commis aux portes de Leipzig et son père Frédéric Wagner greffier de police. C'est donc dans un milieu de braves et dignes bourgeois allemands que s'écoulèrent les années d'enfance en somme peu accidentées de Richard Wagner. Il naquit à Leipzig, le 22 mai 1813, quelques mois avant la mémorable « bataille des nations » qui brisa définitivement la puissance de Napoléon et délivra l'Alle- magne de la domination française. Ce grand événement coûta indirectement la vie au père de Wagner : il mourut dans la force de l'âge, victime d'une épidémie meurtrière qui se développa après la bataille par suite de l'amoncel- lement des cadavres tout autour de la ville et jusque dans les rues et sur les places. Deux ans plus tard, sa veuve se remaria avec Louis Geyer, un ami dévoué de son premier mari, qui cumulait les talents assez disparates de peintre et de comédien. Geyer faisait partie de la troupe du théâtre de Dresde; aussi est-ce dans cette ville que Wagner passa ses premières années et commença ses études. Puis, Louis