Page:Lichtenberger - Richard Wagner, poète et penseur, 1907.djvu/23

Cette page n’a pas encore été corrigée

l'avenir (i) ; il a fait ensuite le tour de toute la presse mu- sicale pour devenir finalement un des leitmotiv favoris de la critique hostile à Wagner. Ce n'est là toutefois qu'un paradoxe peu vraisemblable dès qu'on l'examine de près. D'abord l'étude comparative des drames et des théories de Wagner nous montrera qu'en fait ce sont les œuvres qui ont précède les théories. Wagner s'abandonnait pleine- ment à son instinct créateur pour composer, après quoi il prenait conscience de ses procédés et s'efforçait de les jus- tifier rationnellement ; si bien que ses théories musicales sont en dernière analyse la généralisation systématique de ses expériences d'artiste. Puis la réflexion, loin d'être chez lui un obstacle à la spontanéité de l'inspiration, l'a tout au contraire aidé à s'affranchir d'usages convention- nels qui l'empêchaient de suivre librement son instinct créateur. Nous verrons qu'au commencement de sa car- rière, Wagner subit, comme tout débutant, l'influence des idées régnantes ur la musique et le drame musical ; que peu à peu, il secoua le joug importun des traditions d'é- cole et apprend à se mouvoir plus librement, tantôt favo- risé par d'heureux hasards ou guidé par son instinct obscur d'artiste, tantôt conduit dans la bonne voie par les efforts

(1) Revue et Gazette music. de Paris 1852, n»» 23 à 26, 28, 30, 32. — « Les eilorts de Wagner tendent à transformer l'art par un système, non par l'inspiration. Et pourquoi cela ? Parce que l'inspiration lui manque, parce qu'il n'a pas d'idées, parce qu'il a conscience de son infirmité à cet égard et parce qu'il cherche à la déguiser ». « 'Weber se livre à l'inspiration . Wagner médite et calcule ». — Sur la théorie du Leitmotiv : « Je suppose qu'ils [nos lecteurs] se représentent la monotonie, le pédantisme affadissant et l'ennui qui doivent être les conséquences d'un tel moyen converti en système. Employé dans une occasion exceptionnelle, il peut être admis ; mal appliqué aux person- nages mis en action, il anéantit nécessairement linspirrition spon- tanée et convertit le travail de l'artiste en une succession non inter- rompue d'opérations combinées. Un ouvrage conçu de cette manière pourrait être conçu comme une œuvre d'intelligence, mais ne pourra jamais traduire l'impression d'une production d'art, dans le sens vrai de ce mot. »'