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Par une autre voie, l'étude du drame de Wagner nous conduit à l'examen de ses théories sur l'art. Wagner en effet n'est rien moins qu'un de ces génies naïfs qui, sui- vant le mot de Goethe, chantent « comme l'oiseau qui ha- bite dans les branches ». Peu d'artistes ont, autant que lui, réfléchi sur les lois de leur art et pris conscience, au même degré que lui, de la nature exacte de leurs facultés créa- trices. A diverses reprises il a, pendant un temps plus ou moins long, interrompu toute activité créatrice, mis de côté tout travail poétique ou musical, et pris résolument la plume, soit pour se défendre contre les attaques dont il était l'objet, et faire justice des calomnies et des idées fausses répandues à profusion sur sa personne ou sur son œuvre, soit pour exposer en détail ses vues sur le drame musical et l'art en général, pour faire connaître au public la genèse de ses ouvrages et de ses idées, l'éclairer sur ses intentions véritables et lui faciliter l'intelligence de ses compositions dramatiques et musicales. Ses œuvres théo- riques nous fournissent ainsi un commentaire infiniment curieux et instructif de ses drames et constituent un do- cument d'une importance exceptionnelle pour l'histoire de l'art, Wagner étant à peu près le seul des musiciens contemporains qui ait longuement médité sur la question si obscure et si complexe de l'union de la musique et du drame. Ses adversaires, ne pouvant contester ce fait, ont cherché à l'exploiter contre Wagner en prétendant que la réflexion chez lui avait étouffé l'inspiration artistique. Ils l'ont représenté comme un penseur abstrait, musicien savant plutôt qu'artiste véritable, concevant d'abord des théories esthétiques, puis construisant patiemment des œuvres conformes au programme qu'il s'était tracé. Nous trouvons ce motif développé par exemple dans le célèbre réquisitoire lancé par Fétis en 1852 contre la musique de