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ment apte à dire nos joies et nos tristesses intimes. Mais la musique à son tour a besoin, pour préciser ce qu'elle veut dire, du secours de la parole ; réduite à ses propres ressources, elle ne peut nous faire sortir de la vague région de l'émotion élémentaire ; c'est une voix familière et ex- pressive qui fait vibrer les fibres les plus intimes de notre cœur, mais sans rien dire à notre intelligence. Et c'est pourquoi Beethoven après avoir, dans ses huit premières symphonies, fait dire à la musique seule tout ce qu'elle pouvait exprimer, s'est avisé, par une inspiration de génie, d'associer, vers la fin de la IX* symphonie, la voix humaine à l'orchestre : il avait eu l'intuition prophétique que la musique ne pouvait accomplir ses plus hautes destinées qu'associée à la poésie. On voit maintenant comment la parole et la musique pourront s'unir dans le drame lyrique. Le poète devra fournir le cadre extérieur de l'action : à lui seul appartient de poser les personnages du drame, de les situer dans le temps et dans l'espace, de préciser ce qu'ils sont, ce qu'ils font, ce qu'ils veulent. Le musicien alors nous dévoilera ce qui se passe au fond de leurs âmes, il nous fera partici- per à leur vie intérieure, vibrer à l'unisson de leurs joies ou de leurs douleurs. De l'alliance de la parole et de la musique naîtra ainsi l'image artistique de la vie la plus haute, la plus complète qui se puisse concevoir. « Mais, conclut Wagner, cette union ne peut être féconde que si la langue musicale vient s'allier aux éléments qui, dans le langage parlé, ont le plus d'affinités avec la musique; le lieu précis où s'opère la liaison des deux arts, c'est le point où le langage parlé manifeste une tendance irrésis- tible à exprimer dans sa réalité effective et sensible une émotion. Or ce point est déterminé par la nature même des motifs qu'il s'agit de traiter, motifs dont le contenu