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Tannhäuser

contraste fortement avec les drames de 1848, qui soit franchement athées et affirment que l'Homme doit trouver son bonheur sur cette terre, en cette vie, et non dans quelque paradis imaginaire (i). Si l'on croit au contraire à l'unité fondamentale de la pensée de Wagner, on montrera que Tannhàuser est un drame à la fois optimiste et pessimiste, où se trouve affirmée avec la même force la nécessité de l'amour, de la poursuite du bonheur et la nécessité du renoncement. L'homme doit aimer et vouloir comme Tannhäuser ; il doit marcher à la conquête du succès, travailler à la réalisation de l'idéal, croire au bonheur futur de l'humanité, peu importe d'ailleurs, que ce bonheur soit représenté symboliquement, comme félicité supra-terrestre par-delà la mort, ou comme félicité humaine réalisée un jour sur la terre par des générations futures. Et tout de même que l'homme doit vivre et agir, il doit aussi, comme Tannhäuser, apprendre à renoncer ; il doit prendre conscience de la corruption du monde, il doit tuer en lui le désir égoïste. Tannhäuser est donc un grand caractère, tout à la fois parce qu'il a voulu, avec une impétueuse ardeur, connaître toutes les joies humaines, parce qu'il a désiré ardemment le bonheur avec Elisabeth et aussi parce qu'il a su renoncer à tout espoir de bonheur, parce qu'il a trouvé la paix dans le renoncement absolu, dans la mort, et non dans la veulerie du désir satisfait. Il faut donc se garder d'établir artificiellement un contraste entre les drames de la première période, Tannhàuser ou Lohengrin, et ceux de la seconde, l'Anneau du Nibelung on Parsifal. Tous les héros de Wagner sont, à des degrés divers, à la fois des impulsifs et des résignés, des optimistes qui tendent vers le

(1) V. Dinger, Wagner's geist.Entw., p. 25 ss. et surtout p. 30 s.