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TANNHÄUSER

Les explications de Wagner nous laissent ainsi dans l'incertitude sur le sens précis du drame de Tannhäuser. Est-ce une tragédie chrétienne ? optimiste ? pessimiste ? Faut-il croire le Wagner de 1851 ou celui de 1856 ? La solution de ce petit problème dépend, je crois, de la solution qu'on donnera à la question générale de la philosophie de Wagner. Force nous est donc d'indiquer brièvement, dès à présent, comment elle se pose, bien que nous n'ayons à la traiter dans ses détails que plus loin. Il y a, pour interpréter les contradictions incontestables qu'on découvre dans la pensée philosophique de Wagner, deux théories principales en présence. La première consiste à les expliquer par une évolution historique des opinions de Wagner. On nous dira par exemple que Wagner a été religieux et chrétien avec une tendance au pessimisme jusqu'en 1848 ; que de 1848 à 1854 il est devenu, sous l'influence de Feuerbach, optimiste et athée ; qu'à partir de 1854 il s'est converti au pessimisme de Schopenhauer pour incliner de nouveau vers l'optimisme à la fin de sa vie. L'autre solution consiste à affirmer l'unité fondamentale de la pensée de Wagner pendant sa vie entière, sa faculté de concevoir simultanément non par la raison mais grâce à cette faculté d'intuition artistique que nous avons définie précédemment (p. 9) des vérités en apparence contradictoires ; quelques-unes des variations les plus apparentes dans la pensée de Wagner s'expliquent, dans cette hypothèse, en admettant que, chez lui, la raison ne pouvait pas toujours suivre l'intuition et qu'il exprimait sous une forme imparfaite, à l'aide de formules qui ne rendaient pas exactement sa pensée, les images que lui fournissait spontanément son instinct d'artiste créateur. Nous n'avons pas, pour le moment, à exposer dans le détail ces deux hypothèses, sur lesquelles nous reviendrons au chapitre sui-