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aussi exacte que possible, les autres affirmant au contraire le droit et la nécessité pour la musique de suivre ses lois propres, de rester toujours musique, et proclamant avec Mozart que « dans un opéra il faut absolument que la poé- sie soit la fille obéissante de la musique. » Presque jamais, au contraire, on n'a posé la question au point de vue du dramaturge et cherché à déterminer d'une façon précise ce que doit être un drame destiné à être mis en musique. Dans l'association du musicien et du poète, le personnage principal était en général le musicien ; le poète, person- nage subalterne, s'acquittait de sa tâche empiriquement, cherchant à satisfaire de son mieux le musicien, et ne réus- sissant trop souvent qu'à le gêner, se conformant pour le choix des sujets et la manière de les traiter à des tra- ditions établies, sans se préoccuper de soumettre ces tra- ditions elles-mêmes à une critique rigoureuse. Or l'un des côtés les plus originaux de la réforme de Wagner c'est précisément que, réunissant en sa personne le poète et le musicien, il a posé la question de l'union du drame et de la musique au double point de vue du dramaturge et du compositeur et donné le premier une théorie détaillée et précise de ce que doit être un drame « conçu dans l'esprit de la musique ». Pour établir la formule du drame musical, Wagner se base sur une étude attentive des ressources expressives propres à la poésie d'une part, à la musique de l'autre. Le but de toute poésie, dit-il en substance, et en particu- lier du drame, c'est toujours, en somme, de peindre l'âme humaine, ou, selon l'expression de Wagner, « l'homme intérieur », ses sentiments, ses émotions, et d'exciter ainsi dans l'âme du spectateur une émotion correspondante. Seulement, cette transmission de l'émotion n'a pas lieu directement ; elle se fait par le véhicule de la parole, donc