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108 TANNHÄUSER

avait jadis touché le cœur par ses chants et qui, depuis son départ, se consumait dans la tristesse. Déjà le suprême bonheur semble s'apprêter pour lui : Elisabeth a laissé échapper l'aveu de son amour ; elle est à lui s'il est vainqueur dans le tournoi poétique qui s'apprête, si mieux que les autres il sait pénétrer le mystère du pur amour. Mais il subit toujours l'impure domination de Vénus ; il ne sait plus aimer sans que le désir vienne souiller son amour. Et dans l'exaltation croissante de la lutte, Tannhäuser se laisse emporter toujours plus loin par la passion qui le dévore ; jusqu'au moment où ressaisi par sa coupable folie il proclame à la face des chanteurs indignés son culte pour Vénus : « Pour toi, ô déesse de l'amour, retentissent mes chants!... Tes charmes vainqueurs sont la source de toute beauté ; de toi émane toute grâce, toute merveille. Qui, brûlant d'une ardente flamme t'a étreinte en ses bras, celui-là seul, seul, sait ce qu'est l'amour. — Et vous, malheureux, qui n'avez jamais aimé, allez, allez au Venusberg ! (1) » Pour racheter sa faute, pour échapper au joug du désir mauvais, il faut que Tannhäuser apprenne la haute vertu du renoncement. C'est Elisabeth qui lui donne l'exemple. Le cœur brisé par l'aveu terrible qui s'est échappé des lèvres de celui qu'elle aimait, elle renonce à tout espoir de bonheur, elle offre à Dieu le sacrifice de sa vie ; elle passera ses jours à prier pour le pardon du pécheur. Et, tandis que Tannhäuser repentant se rend en pèlerinage à Rome pour obtenir du pape la rémission de ses péchés, Élisabeth implore du ciel le salut de celui qu'elle n'a jamain de la jeune princesse. L'idée de substituer la pieuse Elisabeth à l'énigmatique et peu intéressante comtesse Mathilde et de faire d'elle la fille du landgrave de Thuringe, a été suggérée à Wagner par cette tradition.

Voir l'article cité de Golther. Bayr. Blätter, 1839 

(1) Ges. Schr., II, 23.