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1TANNHÄUSER

bonne et désirable ; sans elle, ce monde ne serait qu'un désert. Son royaume n'est pas pour les faibles, pour les esclaves, il ne s'ouvre qu'aux héros, qu'aux vaillants qui, comme Faust, demandent à goûter toutes les joies et aussi toutes les douleurs humaines (i). C'est pourquoi Tannhäuser, lorsqu'il l'abandonne, au premier acte, lui conserve un culte passionné : « Jamais, s'écrie-t-il, mon amour ne fut plus grand, jamais plus vrai qu'à cet instant où, pour toujours, il me faut te quitter» (2). S'il fuit le Venusberg, ce n'est pas par renonciation ascétique au bonheur, mais seulement parce qu'il est las de subir l'esclavage de la volupté, parce qu'il veut accomplir sa destinée d'homme, parce qu'il conçoit la vie comme un combat éternel et non comme un état de perpétuelle et passive félicité. C'est pourquoi aussi il sait d'avance qu'il ne reviendra jamais vers Vénus, parce qu'il est résolu, comme Faust, à ne jamais reposer sa tête sur un oreiller de paresse, à ne jamais demander à l'instant fugitif : « Demeure encore, tu es si beau ! » Mais l'amour lui apparaît toujours comme la loi suprême de l'univers : « C'est pour toi, pour toi seule, ô Vénus, que retentiront mes chants!... Tes charmes vainqueurs sont la source de toute beauté ; de toi émane toute grâce, toute merveille. Que l'ardeur, par toi versée en mon sein, brille en ton honneur, comme une claire flamme ! Oui, contre tout l'univers, sans crainte, je veux être toujours ton champion (3). « Tannhauser nous représente ainsi tout un côté de l'âme de Wagner. Comme son héros, Wagner sentait en lui un désir intense du bonheur ; il avait poursuivi ardemment le succès à Paris, il le poursuivait à Dresde ;

(1) Sur la comparaison de Tannhauser et de Faust, voir A, Ernst, l'Art de R Wagner, Paris 1893, p. 342 ss. (2) Ges. Schr. II, s. (3) ibid. 8.