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EMPRUNTS DE WAGNER A SES DEVANCIERS 105

comme le Tannhäuser de Wagner, une nature ardente, ambitieuse, avide d'amour et de gloire. Il est, comme lui, uni par une profonde amitié au généreux et loyal Wolfram d'Eschenbach. Ofterdingen, dans le récit d'Hoffmann, dispute à Wolfram le cœur de la belle comtesse Mathilde de Falkenstein, comme Tannhäuser, dans le drame de Wagner, est le rival de Wolfram auprès d'Elisabeth. De même Ofterdingen et Tannhäuser célèbrent dans leurs chants Vénus et la volupté (i) et s'attirent ainsi la haine des minnesinger de la Wartbourg, Tous deux, après avoir « erré misérablement sur les bords du fleuve des enfers (2j », finissent par être rédimés et renoncent, l'un aux enchantements de Vénus, l'autre aux sortilèges de Klingsor. Il faut bien reconnaître, toutefois, que Wagner doit en somme peu de chose à ses devanciers. Si le drame du Vaisseau-fantôme était déjà presque entièrement esquissé dans la nouvelle de Heine dont Wagner s'était inspiré, la fable dramatique et surtout l'action intérieure de Tannhäuser sont au contraire une création absolument originale. Tandis que le Tannhäuser de la légende n'est guère qu'un voluptueux repentant, et l'Ofterdingen de Hoffmann un ambitieux qui se résigne à sa destinée, le Tannhäuser de Wagner symbolise un des instincts les plus profonds du cœur humain, l'aspiration vers le bonheur, vers la jouissance immédiate, vers le succès tangible. La Vénus qu'il adore n'est pas seulement la déesse de la volupté énervante et dégradante : elle est aussi la source de toute joie terrestre, de toute beauté, de tout ce qui rend la vie

(1) Hoffmann décrit ainsi l'effet des cbants d'Ofterdiugen : Glühende Düfte wehlen daher, und Bilder üppigen Liebesglücks flammten in dem aufge- gangenen Eden aller Lust (éd. Dümmler p. 34). Nasias, une sorte de double mystérieux d'Ofterdingen créé par les sortilèges de Klingsor chante les charmes d'Hélène et les délices du Venusberg dans sa lutte poétique avec Wolfram (p. 61) et devant les chanteurs de la Wartbourg (p. 68). (2) Hoffmann éd. Dùmmler p. 72.