Page:Lichtenberger - Richard Wagner, poète et penseur, 1907.djvu/111

Cette page n’a pas encore été corrigée

LE TOURNOI POETIQUE DE LA WARTBOURG 101


bigarré et confus comme l'était celui de Manfred, mais en présence d'un mythe populaire simple et naturel, clair et plastique. Il lui sembla que Tannhâuser résumait en quelque sorte en sa personne le type de la race entière des empereurs gibelins; aussi la physionomie du chantre d'amour repentant prit-elle bientôt vie et couleur à ses yeux (i). Si Wagner put emprunter à la poésie populaire la figure de Tannhäuser sans y changer aucun trait essentiel, il semble bien par contre que ce soit son imagination de poète qui lui ait suggéré de combiner la légende de Tannhäuser avec une autre tradition née vers la même époque, celle du tournoi poétique de la Wartbourg. Un poème du XIII° siècle, fort médiocre, mais qui pourtant eut beaucoup de succès, raconte une joute poétique imaginaire qui aurait eu lieu entre les principaux minnesinger au château de la Wartbourg, en présence du fameux landgrave Hermann de Thuringe, le célèbre Mécène des chanteurs d'amour du moyen âge. Le vaincu de ce tournoi étrange devait perdre la vie par la main du bourreau. Le poème raconte les diverses péripéties de la lutte. Elle s'engage entre un personnage à peu près sûrement imaginaire, Henri d'Ofterdingen, et un poète connu sous le nom du « Scribe vertueux » que secondent Reinmar, Wolfram d'Eschenbach, Biterolf et Walther de la Vogelweide. Henri d'Ofterdingen qui célèbre les vertus du duc d'Autriche est vaincu par ses rivaux qui vantent l'excellence du landgrave de Thuringe. Il appelle alors à son aide le magicien Klingsor de Hongrie, qui recourt en vain à toutes sortes de sortilèges pour vaincre l'adversaire qui lui est opposé. Wolfram d'Eschenbach : il lui pose des énigmes — Wolfram les résout ; il évoque alors

(1) Gps. Schr. IV, 271 s. cf. 269.