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TANNHÄUSER PERSONNAGE HISTORIQUE 97

dances nouvelles : il n'aurait pu se défendre, en y travaillant, du sentiment déprimant qu'il achetait un succès immédiat à peu près certain en sacrifiant au goût du public pour l'opéra historique quelque chose de ses convictions intimes d'artiste. Il revint donc à Tannliâiiser, qui exerçait sur lui, depuis longtemps déjà, une attraction profonde (i). Tannhäuser, avant d'appartenir à la légende, a été un personnage très réel, un minnesinger qui a vécu au XIII° siècle et qui, d'après le peu que nous savons de lui, a dû mener une existence assez aventureuse et connaître la fortune et l'adversité, l'abondance et la misère. Ce n'était pas un beau génie et il avouait lui-même « qu'il n'avait pas l'art de composer de belles mélodies ». Malhabile à plaire par la forme de ses expliquer productions poétiques, il cherchait du moins à leur donner un certain attrait par la nouveauté ou l'originalité de ce qu'il racontait, ou par un ton de parodie parfois assez divertissant. Il se moque, par exemple, de l'amour chevaleresque et de ses conventions en énumérant les prouesses fantastiques que les femmes exigent de leurs amants : il faut, pour que la dame accorde ses faveurs au chevalier, que celui-ci rapporte la pomme que Vénus avait donnée à Paris, ou bien encore qu'il détourne le cours du Rhin, qu'il lui apporte du sable ramassé au fond de la mer là où le soleil se couche, qu'il recueille l'éclat de la lune, qu'il plane dans les airs comme un aigle, qu'il retire la salamandre du feu, etc. Une autre fois il raconte non sans humour comment la misère s'acharne sur lui, comment

(1) Sur les diverses variantes de la légende de Tannhäuser voir les articles de W. Golther, Bayr. Bläter, 18S9, p. 132 et Bayr. Taschenbuch 1891, p. 8 ss. ainsi qu'une étude de Gaston Paris, Revue de Paris 15 mars 1898, p. 307, et un mémoire de M. Söderhjelm, Antoine de la Sale et la légende de Tannhäuser. (Mémoires de la Société néo-philologique à Holsingiors, t II.)