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92 LE VAISSEAU-FANTÔME

presqu'aussi imporlant que le Hollandais lui-même, est le Vaisseau maudit avec ses enchantements et son équipage fantastique ; puis, aussi, un admirable poème de l'Océan, des descriptions pittoresques et puissantes de la tempête qui siffle et hurle dans la nuit sombre, fouettant sur son passage les flots en fureur. A ce point de vue, le Vaisseau-fantôme tient encore, dans une certaine mesure, de l'opéra romantique, avec cette différence essentielle, pourtant, que, dans Topera romantique, les motifs fantastiques et pittoresques doivent le plus souvent intéresser par leur étrangeté même et n'ont aucune signification sérieuse, tandis que, dans le Hollandais volant, ils ne peuvent être considérés comme des hors-d'œuvre inutiles, mais se rattachent étroitement au drame proprement dit. C'est pourquoi, aussi, rien ne serait plus injuste que de méconnaître la haute valeur poétique de l'œuvre nouvelle de Wagner. De Rienzi au Vaisseau-fantôme, le progrès est considérable. Pour la première fois, Wagner portait sur la scène une légende dont il faisait le symbole de sentiments éternellement humains que lui-même avait éprouvés et dont il avait souffert. Il a donné ainsi au vieux mythe populaire une vie nouvelle singulièrement intense et poignante. Et, malgré les incertitudes de touche que nous avons signalées, son Hollandais maudit n'en est pas moins la première de ces grandes figures puissamment modelées que nous verrons désormais apparaître dans chacune des œuvres de Wagner, et qui se gravent en traits inoubliables dans toutes les imaginations. « Jamais poète depuis Byron, dit Liszt dans l'étude qu'il consacre au Vaisseau-fantôme n'a su dresser sur la scène un si pâle fantôme dans une nuit plus sombre »,