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LE PROBLEME DE LA RÉDEMPTION

II nous est dit seulement que le Hollandais a « bravé le diable ». Sa faute est donc de nature plus exlérieure encore qne celle de Max dans le Freischütz, qui, du moins, avait appelé le diable à son secours, ce qui, à tout prendre, est peut-être plus répréhensible que de le braver, encore que ni l'un ni l'autre de ces deux crimes n'offre, pour la raison, un sens bien satisfaisant (i). Le Hollandais semble être la victime passive d'une puissance malfaisante et extérieure à lui ; on ne voit pas qu'il soit responsable de sa destinée, on n'aperçoit en lui aucune transformation morale ; ou, dans tous les cas, cette évolution intérieure, si tant est que l'auteur ait voulu l'indiquer, est notée d'une manière bien confuse, ainsi que nous l'avons vu en étudiant les caractères de Senta et du Hollandais. Au fond, l'action intérieure n'a pas encore dans le Vaisseau-fantôme cette importance absolument prépondérante qu'elle aura dans les drames postérieurs. Wagner ne cherche pas encore autant qu'il le fera plus tard, dans Tristan par exemple, à concentrer toute l'attention des spectateurs sur le drame intime qui se joue au fond de l'âme des personnages de la pièce. Le Vaisseau-fantôme est, en un certain sens, comme Rienzi, une « pièce à effet » (2). On y trouve, à côté du drame psychologique proprement dit, des éléments pittoresques et romantiques destinés évidemment dans la pensée de V.'agner à frapper fortement l'imagination du spectateur et, peut-être, à lui dissimuler les imperfections de l'action intérieure: une féerie d'abord, une histoire de revenants dont le personnage principal,

(1) Si l'on veut trouver un sens moral au drame du Vaisseau-fantôme, on peut à la rigueur admettre avec M. Ernst (l'Art de R. Wagner, p. 333) que la faute tragique du Hollandais, « c'est l'orgueil, le violent et indomptable orgueil, source de maux sans nombre ». On peut d'ailleurs interpréter de même le caractère de Max. Mais ce n'est là qu'une interprétation possible elle n'est pas suggérée nécessairement par la pièce même. (2) Ges. Schr. I 3.