près de la source qu’elle frôlait de ses larges pétales scintillantes. Autour d’elle se balançaient une infinité de fleurs multicolores et le parfum le plus exquis embaumait l’atmosphère. Lui, cependant, ne voyait que la Fleur bleue, et il la contemplait longuement avec une indicible tendresse. Il voulut enfin s’en approcher, quand soudain elle se mit à se mouvoir et à se transformer à ses yeux. Les feuilles, devenues plus brillantes, se serrèrent contre la tige qui grandissait, et la Fleur s’inclina vers lui, découvrant entre les pétales une large collerette bleue où flottait un visage délicat. Son doux émerveillement grandissait au fur et à mesure que se déroulait cette étrange métamorphose, quand soudain la voix de sa mère l’éveilla. Et il se retrouva dans la chambre familiale que doraient déjà les feux du matin ».
Ce rêve qui chez le père de Henri d’Ofterdingen s’était évanoui sans entraîner aucune conséquence notable, va décider, au contraire, de la vie entière du jeune homme. Lui aussi est repris, à son réveil, par l’illusion dualiste et rentre dans le royaume du Soleil. Mais il garde au fond du cœur le pressentiment ému d’une révélation ineffablement belle, d’une félicité inouïe. La Fleur bleue, la Sehnsucht romantique, l’aspiration nostalgique à un idéal inconnu, l’idée de l’Unité harmonieuse conçue comme le but sacré où tend le poète, ne quitte plus,