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inaugural, n’est ni une Muse ni une Grâce, mais une messagère des Dieux ; et comme les Muses jadis descendirent vers les paysans de la Béotie affligés et dolents, cette messagère pénètre aujourd’hui dans un monde plein de sombres couleurs et de funèbres images, plein de souffrances profondes et inguérissables, et nous console en évoquant, dans ses récits, les belles et lumineuses figures d’une contrée merveilleuse, azurée, lointaine, fortunée[1]. »

Nietzsche s’attaqua au problème de la culture hellénique avec une prodigieuse ardeur. On demeure confondu, lorsqu’on parcourt les tomes IX et X de ses œuvres complètes, de la masse de travail vraiment formidable dont il vint à bout pendant les dix ans que dura son professorat. Il faut songer, en effet, que pendant cette période il s’occupa simultanément de philosophie, de critique littéraire, de propagande wagnérienne et de philologie grecque. Or ses travaux philologiques à eux seuls sont déjà d’une prodigieuse étendue. La Naissance de la tragédie avec les travaux préliminaires qui l’ont précédée[2] n’absorbe qu’une petite partie de son activité. Un coup d’œil jeté sur la liste des cours et conférences professés par Nietzsche de 1869 à 1879[3] suffit pour nous montrer la variété des sujets traités par lui : parmi les matières les plus importantes dont il fait l’objet de cours suivis, citons l’histoire de la littérature grecque, l’histoire des antiquités religieuses, la rhétorique, la rythmique, et l’histoire de la philosophie grecque jusqu’à Platon inclu-

  1. W. IX. 23 s.
  2. Ces études préparatoires et complémentaires ont été publiées au tome IX des œuvres complètes, pages 25 ss. La comparaison de ces études avec le texte définitif montre distinctement que la Naissance de la tragédie n’est en réalité qu’un fragment d’une œuvre plus étendue que Nietzsche projetait et dont il a simplifié le plan pour diverses raisons (v. IX, 377).
  3. L’énumération des cours et conférences professés par Nietzsche à Bâle se trouve dans l’ouvrage de Mme Förster-Nietzsche, II, 1. 324.