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moment où l’on n’ait pas vécu. Car l’univers n’a point commencé, par conséquent l’homme non plus. »… « À l’heure présente, la vie entière de notre planète, depuis la naissance jusqu’à la mort, se détaille, jour par jour, sur des myriades d’astres frères avec tous ses crimes et ses malheurs. Ce que nous appelons le progrès est claquemuré sur chaque terre, et s’évanouit avec elle. Toujours et partout, dans le camp terrestre, le même drame, le même décor, sur la même scène étroite, une humanité bruyante, infatuée de sa grandeur, se croyant l’univers et vivant, dans sa prison, comme dans une immensité, pour sombrer bientôt avec le globe qui a porté dans le plus profond dédain le fardeau de son orgueil. Même monotonie, même immobilisme dans les astres étrangers. L’univers se répète sans fin et piaffe sur place. L’éternité joue imperturbablement, dans l’infini, les mêmes représentations. » — On le voit, il y a une analogie à peu près complète entre l’hypothèse que Blanqui croit pouvoir déduire « de l’analyse spectrale et de la cosmogonie de Laplace » et la théorie du Retour éternel à laquelle Nietzsche est arrivé par des considérations morales et qu’il voudrait confirmer par des recherches scientifiques. Nietzsche insiste davantage sur la succession indéfinie des mêmes phénomènes dans l’infini du temps, Blanqui s’étend davantage sur la coexistence des mêmes phénomènes dans l’infini de l’étendue. Au fond la pensée du captif du Taureau se rencontre d’une manière à peu près parfaite avec celle du Solitaire de Sils-Maria.

Non moins frappante est l’analogie du raisonnement de Nietzsche avec celui du docteur Le Bon. Voici ce que dit ce dernier dans L’homme et les sociétés (Paris, 1881), t. II, p. 420 : « Mais le temps est éternel, et le repos ne saurait l’être. Ce globe silencieux et mort ne roulera pas toujours dans l’espace sa masse refroidie. Nous ne pouvons former que des conjectures sur ses destinées lointaines,