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danois Sören Kierkegaard, qui par ses tendances chrétiennes s’éloigne, par contre, radicalement des idées de Nietzsche. L’idéal aristocratique cher à Nietzsche apparaît dans la correspondance de Flaubert, et surtout dans les Dialogues philosophiques de Renan. Nietzsche trouve dans sa lutte contre le pessimisme un auxiliaire en Eugène Dühring. Il partage avec Édouard de Hartmann l’aversion pour les socialistes et les anarchistes, la croyance à l’inégalité des hommes, à la vertu civilisatrice, de la guerre, et la conviction que la pitié ne peut pas être regardée comme la base de toute moralité[1]. La doctrine du Retour éternel se trouve déjà dans l’Éternité par les astres de Blanqui et dans l’Homme et les sociétés du docteur Le Bon. Mais si l’on constate aisément que, par ses doctrines, Nietzsche peut être comparé à tel ou tel de ses contemporains, on est bien obligé de reconnaître, d’autre part, que par sa personnalité même, il diffère profondément de ceux-là même qui professent sur certains points des idées analogues aux siennes Bien plus, il éprouve une instinctive et très sincère antipathie contre la plupart de ces soi-disant alliés : il hait en Renan une nature de prêtre ; il traite Hartmann de charlatan ; il exècre Dühring parce qu’il le tient pour un esprit foncièrement « plébéien » et voit en lui en quelque sorte sa propre caricature. Il tient évidemment beaucoup à ne pas être confondu avec eux, et cela non par amour-propre d’auteur qui voit d’un mauvais œil des rivaux possibles, mais parce qu’il se sent très différent d’eux par sa nature morale, et qu’il estime précisément que la personne

  1. Sur ces diverses influences voir Brandes, Menschen und Werke, p. 147, 151 s. 171. 200 ss. — Sur le mouvement d’idées « anarchiste » et individualiste dans l’Allemagne d’aujourd’hui, voir Th. Ziegler, Die geistigen u. socialen Hauptströmungen des 19. Jh., p. 578 ss. — Sur l’absence relative d’originalité des doctrines de Nietzsche, v. Stein, Rundschau, t. LXXIV, p. 393 s., et Nordau, Dégénérescence, II, 352 ss.