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paysan vigoureux mais pacifique, qui faisait la guerre non pour jouir du meurtre, mais pour obtenir de la terre arable[1]. — On a traité de fables la plupart des théories historiques de Nietzsche, son hypothèse du « soulèvement juif des esclaves », ses portraits de Jésus et de l’apôtre Paul dans l’Anti-chrétien, ses thèses sur le développement du christianisme et de la morale ascétique, ses opinions sur la Réformation et du rôle de Luther. — On a déclaré erronées ses analyses psychologiques, son interprétation de la « mauvaise conscience », sa théorie sur la notion du « péché » ramenée à la notion matérielle de « dette ». On a critiqué au point de vue biologique l’idéal du Surhomme tel qu’il le conçoit : « La vérité biologique, dit M. Nordau, est que le constant refrènement de soi-même est une nécessité vitale des plus forts comme des plus faibles. Elle est l’activité des centres cérébraux les plus hauts, les plus humains. Si ceux-ci ne sont pas exercés, ils dépérissent, c’est-à-dire que l’homme cesse d’être homme ; le soi-disant « surhomme » devient un « sous-homme », autrement dit, une bête ; par le relâchement ou la suppression des appareils d’inhibition du cerveau, l’organisme succombe sans retour à l’anarchie de ses parties constitutives, et celle-ci conduit infailliblement à la ruine, à la maladie, à la folie et à la mort[2]. » Enfin la doctrine du Retour éternel n’a guère trouvé que des incrédules : même un critique tout à fait bienveillant pour Nietzsche, comme Brandes, déclare le mysticisme de Zarathustra « peu convaincant[3] ».

Quelles conclusions faut-il tirer de toutes ses critiques au point de vue de la valeur de l’œuvre de Nietzsche ?

Remarquons d’abord que Nietzsche, surtout dans la deuxième période de son existence ne se donne pas, et ne

  1. M. Nordau. Dégénérescence. Paris, F. Alcan, 1894, II, 325 s., 329.
  2. M. Nordau. Dégénérescence, II, 334 s.
  3. Menschen und Werke. p. 196.